Ou la signature acoustique des armes à feu
Si vous tirez un coup de feu dans la Banque de Réserve Fédérale de San Francisco, le système de détection de coup de feu verrouillera toutes les portes de sécurité, piégeant le tireur dans ses murs. De nombreuses villes américaines ont déjà ont adopté des solutions commerciales comme le SENTRI ou SHOTSPOTTER.. Ces systèmes sont destinés à la détection des signatures acoustiques des armes, à leur classification mais aussi à l’identification de l’arme utilisée couplée avec la localisation du tireur. D’ailleurs, peut-on réellement identifier une arme à partir de sa signature acoustique ?
L’étude de la signature acoustique des armes est un domaine d’études en pleine expansion, dû à la multiplicité des sources audio. Les enregistrements amateurs deviennent de plus en plus courants grâce à la prolifération des téléphones mobiles. Un « bang » n’est pas juste un « bang ».
Décomposition d’un coup de feu
Afin de comprendre et d’évaluer les difficultés liées à l’enregistrement des coups de feu, il est nécessaire d’appréhender les phases caractéristiques du son produit par un tir.
La détonation
Une arme classique utilise une charge explosive confinée afin de propulser la balle hors du canon. Le son émis par cette explosion est multidirectionnel, mais la plus grande partie de l’énergie acoustique se concentre dans la direction vers laquelle est pointée l’arme. Un coup de feu se décompose acoustiquement en deux parties :
- Le bang correspond à la déflagration qui est le son des gaz sous pression libérés avec l’éjection du projectile par le canon. Cette détonation dure entre 3 et 5 millisecondes, et son intensité dépend du type d’arme utilisé, de la longueur du canon et du type de munitions chargées.
- le crack qui correspond à la l’onde de choc générée par le projectile lorsqu’il franchit le mur du son


Jan DE KINDER, Directeur de l’Institut National de Criminalistique et Criminologie
Les ondes acoustiques se déplacent dans les airs à la vitesse du son, et interagit avec leur environnement (le sol, les obstacles, la température ambiante, le vent, l’absorption atmosphérique). Selon Jan DE KINDER, Directeur de l’Institut National de Criminalistique et Criminologie (INCC) de Belgique, les variations dues à l’environnement sur le signal acoustique sont plus importantes que les variations du signal provenant de deux armes différentes. En effet, dans un environnement urbain, lieu de la majorité des coups de feu enregistrés, la réverbération (écho) transforme drastiquement le son. Ainsi, l’onde, qui ricoche contre le sol, les bâtiments environnants, les voitures, est déformée.
Si le micro est proche de l’arme, la détonation sera le signal acoustique primaire, mais si le micro est localisé à une distance plus grande de l’arme, le chemin direct emprunté par le son risque d’être occulté et le signal acoustique reçu révèlera les effets de propagation, les réflexions multidirectionnelles et la réverbération.
Mais attention ! Les systèmes de détection de coup de feu doivent impérativement inclure le paramètre « silencieux ». En effet, certaines armes sont équipées de suppresseur acoustique : le silencieux. Le signal acoustique de la détonation est alors fortement réduit, et le flash de lumière explosive lié au tir quasi invisible.
Les mouvements mécaniques de l’arme

Dans certains cas, le bruit d’actions mécaniques peut être détecté, comme le son du marteau et du chien, l’éjection de la cartouche ou le système de rechargement automatique ou manuel.
Le premier extrait de tir permet d’entendre et de voir sur le « mini-spectrogramme » le bruit du marteau : il s’agit de 6 tirs consécutifs avec un 44 Rogers & Spencer, chargé de poudre noire:
Le second permet de distinguer clairement le rechargement de l’arme :
Projectiles supersoniques
Une troisième source acoustique vient se rajouter à la déflagration et aux actions mécaniques : l’onde de choc acoustique provoquée par le projectile et qui se propage vers l’extérieur du chemin emprunté par la balle.
Dans le cas d’une vitesse supersonique, les ondes émises à chaque instant sont dépassées par la pointe du projectile et restent derrière : l’onde de choc est à la pointe du projectile.
A l’arrière du projectile, les ondes acoustiques se propagent à la vitesse du son et forment une accumulation d’énergie sur l’enveloppe qui a une forme conique dont sommet correspond à la pointe du projectile. Ce sillage est l’onde de Mach. Cette onde est bruyante à proximité du projectile : on entend alors un claquement sec.
La vitesse du son varie selon la température ambiante : plus il fait chaud, plus la vitesse du son augmente.
Pour une température de 0°c, la vitesse du son est de 331m/s. Pour chaque degré supplémentaire,cette vitesse augmente d’environ 0.61m/s.
La prise ne compte de tous ces paramètres est essentielle à l’enregistrement de la signature acoustique d’une arme… et ce n’est simple