Le flair des chiens des brigades cynophiles sont d’une fiabilité inégalée
Les enquêtes policières utilisent depuis 2003 l’odorologie, technique d’identification des odeurs humaines par des chiens spécialement entraînés. Des chercheurs du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Inserm), spécialisés dans les odeurs et leur mémorisation, viennent de valider scientifiquement cette méthode..
Communiqué de l’Université Claude Bernard (Lyon)
L’odorologie est une méthode d’identification des odeurs humaines, utilisée depuis 2003 en France par les services de la police judiciaire pour démontrer la présence d’un individu sur une scène de crime. Cette méthode repose sur le fait que l’odeur humaine est propre à chaque individu, et sur l’incroyable odorat des chiens (dont la sensibilité peut être de 200 à 10 000 fois plus grande que celle de l’homme selon le type d’odeur considérée), associé à un long entraînement. En effet, chacun de nous possède une base odorante unique, invariable tout au long de notre vie.
L’odorologie consiste à faire comparer par des chiens spécialement entraînés une odeur humaine présente sur un objet de la scène d’infraction avec celle de plusieurs individus parmi lesquels se trouve un suspect ou une victime. Les résultats de ces tests étant déterminants pour les enquêteurs, ils doivent résulter d’études fiables et reproductibles. Or, jusqu’à maintenant, il n’existait aucun standard international concernant l’entraînement des chiens ou leur inclusion dans les enquêtes. Par conséquent, il y a parfois des réticences à considérer cet indice comme élément de preuve.
En analysant les résultats obtenus depuis 2003 à la Sous-direction de la police technique et scientifique (SDPTS) d’Ecully, des chercheurs du Centre de recherche en neurosciences de Lyon viennent de démontrer la fiabilité de la méthode employée : des résultats publiés dans la revue américaine PLoS ONE
Durant leur formation initiale, les bergers allemands et belges malinois utilisés par la police scientifique doivent apprendre à faire l’association entre deux odeurs provenant d’un même individu, au cours de tâches de plus en plus complexes. Au terme de cette formation, les chiens sont aptes à effectuer des tâches d’identification.
Au cours de cette tâche, les animaux flairent une odeur humaine de référence puis doivent la comparer à une série de cinq odeurs humaines différentes parmi lesquelles se trouve l’odeur de référence. Lorsque le chien exprime la reconnaissance entre les deux odeurs, il doit se (en se coucher devant le bocal qui contient l’odeur de référence) : il est alors récompensé par une friandise ou par un jeu. Les odeurs humaines peuvent correspondre à des traces odorantes prélevées sur un objet ayant été préalablement manipulé ou à une odeur corporelle directement prélevée sur un individu.
Les scientifiques lyonnais ont analysé 18.200 essais réalisés entre 2003 et 2013 par 13 chiens de la Sous-Direction de la police technique et scientifique (SDPTS) basée à Ecully, près de Lyon,
précise Barbara Ferry, chercheur au CNRS.
L’analyse des données obtenues montre qu’à l’issue de l’acquisition des principes de l’exercice, un entraînement régulier de 24 mois est nécessaire pour obtenir des performances stables et optimales. A l’issue des 12 premiers mois, les chiens ne commettent plus aucune erreur de reconnaissance. Celles-ci augmentent significativement au cours de l’entraînement : en moyenne, au bout de deux ans, ils parviennent à reconnaître deux odeurs identiques dans 85 % des cas, les 15% d’absence de reconnaissance résultant majoritairement de la qualité du prélèvement ou de l’odeur elle-même et non d’un déficit de reconnaissance.
Les chercheurs ont aussi mis en évidence que les bergers allemands étaient plus performants que les bergers belges malinois, sans doute parce qu’ils sont plus disciplinés et plus attentifs.
Au terme de leur formation, les chiens peuvent donc participer aux procédures judiciaires et continuent à bénéficier, tout au long de leur vie, d’un entraînement continu entre les procédures. En pratique, chaque test d’identification est réalisé par au moins deux chiens. Et chaque chien réalise au moins deux tests avec le même assortiment d’odeurs : l’odeur prélevée est présentée soit dans l’échantillon flairé au début de la tâche, soit dans l’un des bocaux qu’il flaire successivement. Entre 2003 et 2016, l’odorologie a été utilisée dans 522 cas à la SDPTS, et a permis de résoudre 162 affaires judiciaires.
Dans ces procédures judiciaires, les odeurs prélevées dataient de quelques heures ou quelques jours. Les chercheurs aimeraient maintenant étudier les performances des chiens sur des odeurs plus anciennes. Les prélèvements d’odeurs sont en effet stockés dans des odorothèques, pendant plusieurs années.