Ces magnifiques petites algues sont de véritables bijoux
Qu’il s’agisse de champs déserts, de forêts obscures, d’eaux sombres, les environnements peuvent laisser des indices matériels sur un criminel. Ce principe est bien connu et exploité tant par la police scientifique que par les auteurs de fiction, depuis la fin des années 1800.
Les algues microscopiques, comme les diatomées, se trouvent quasiment partout où il y a de l’eau : dans la mer, les lacs (planctoniques et benthiques), les sols mouillés, l’eau courante de votre maison (planctoniques), et même des surfaces humides comme les rochers non submergés (aérophiles).
Traditionnellement recherchées en cas de noyade, une recherche dévoile leur potentiel en tant qu’indice.
La structure des diatomées : à reproduire absolument
A l’œil nu, les diatomées sont de couleur marron doré. Mais sous l’objectif d’un microscope, elles sont multicolores, et de formes multiples : de véritables bijoux aquatiques.
Il existe plus de 20 000 espèces dans le monde. Elles sont composées de silice, le matériau le plus dur au monde, selon une recherche récente menée par le Département d’Ingénierie et de Sciences Appliquées du Caltech (California Institute of Technology) : plus dur que la dent, l’os ou le bois de cervidés.
En effet, ce micro-organisme unicellulaire, n’excédant pas 20 microns de diamètre, est entouré par une coque, appelée frustule, faite de silice.
Ces frustules, recouvertes de minuscules orifices en forme de nid d’abeille, renforcent la structure de la diatomée.
Cette structure si particulière compense la friabilité du silice, composant principal du verre qui se brise sur le sol, et la rend résiliente.
A présent, l’équipe des scientifiques tente de reproduire de telles structures à partir d’autres matériaux, tout aussi résistantes.
Sous l’œil du microscope
Lorsque l’on sait que 71% du globe sont recouvert d’eau, on se doute que les environnements propices aux diatomées sont fréquents dans les enquêtes criminelles, les accidents, les suicides, ou encore les désastres naturels.
Même lorsqu’un crime est commis sur un terrain sec, les scènes aquatiques sont utilisées pour déposer les corps afin de les nettoyer de tout indice.
Or, les diatomées sont soit inhalées, soit avalées. En cas de noyade, on analyse les diatomées trouvées lors de l’autopsie, et on les compare à celle de l’eau dans laquelle le corps a été retrouvé :
- si l’on ne retrouve aucune algue dans le corps, cela signifie que la noyade n’est pas la cause de la mort.
- si les diatomées retrouvées dans le corps sont différentes de l’eau environnante dans laquelle le cadavre a été submergé, cela signifie alors que la victime a été volontairement noyée dans une eau différente, puis bougée, afin de laisser penser que le crime commis n’est qu’un accident.
L’horloge diatomique
Non contentes de fournir des indications précieuses en cas de mort par noyade, les diatomées offrent également une estimation sur l’heure de la mort.
Il est toujours difficile de déterminer le moment de la mort lorsque l’on a affaire à un cadavre qui a séjourné longtemps dans l’eau.
Une étude, publiée par le journal Forensic Science International, montre que ces petites algues s’avèrent efficaces dans cette quête qui est principalement basée, selon le niveau de décomposition du corps, sur la présence d’insectes et de bactéries.
Or, des chercheurs ont examiné l’accumulation d’algues sur des cadavres d’animaux. La diversité des algues a tendance à décroître dans le temps, avec un pic de diatomées dénombrées entre 1 à 8 jours après la mort.
Ce type d’étude reste encore largement expérimental, mais peut aider à déterminer la durée pendant laquelle un corps est resté dans l’eau.
Tout contact laisse une trace
Le principe d’échange énoncé par Locard s’applique également à ces petites algues.
Le criminel laisse des preuves de sa présence et repart avec des indices venant de la scène de crime : de la poussière, des fragments de peinture, des cheveux, des fibres, des particules de terre, du pollen, et … des diatomées.
On les retrouve sur les vêtements ou les chaussures.
En 1996, lors d’une enquête sur le meurtre d’une jeune femme repêchée dans l’Hudson, on a pu retrouver des diatomées sur le porte- feuille et les chaussures d’un suspect, le reliant ainsi au site de la découverte du corps.
Or, le monde forensique compte peu d’experts en diatomées : cela explique la raison pour laquelle ces éléments de preuve sont moins étudiés que le pollen ou les débris de terre.
Pour maximiser leur potentiel dans les enquêtes, le monde de la recherche doit se mobiliser.
Si le mécanisme d’adhésion aux fibres de coton d’un vêtement a été étudié, ainsi que la manière de les prélever, les distinguer parmi d’autres micro-organismes tels que le pollen ou les autres algues s’avère parfois une tâche ardue.
L’étude des diatomées n’est qu’à ses débuts, et l’enjeu est de taille. Les systèmes aquatiques sont complexes et difficiles à analyser, et maîtriser l’expertise des diatomées pourraient avoir un impact significatif pour les enquêteurs.