Une étude 1 récente sponsorisée par le FBI illustre parfaitement la complexité de la capture et de l’analyse des coups de feu.
Dans un monde idéal
Steven BECK, physicien acousticien pour BAE Systems, ainsi que les agents du FBI Hiritaka NAKASONE et Kenneth MARR, ont étudié l’acoustique des coups de feu dans un environnement contrôlé, en plaçant des microphones à toute une gamme d’angles et de distances différents pour chaque tir, afin de capturer un modèle de son pour chacune des configurations.
Le FBI a utilisé plusieurs types et modèles d’arme, ainsi que d’un matériel d’enregistrement haute définition. Les micros ont été placés en faisant varier l’azimut à chaque tir.
Ces enregistrements dans ces conditions idéales ont montré l’influence que peuvent avoir l’arme, le type de munition, et le placement du microphone sur l’onde produite
Il est évident que lorsqu’un enregistrement de tir aboutit dans les mains d’un analyste acoustique, la qualité n’est pas aussi soignée. En effet, dans le monde « réel », l’onde subit de fortes distorsions causées par le phénomène de réverbération, (trottoirs, véhicules, murs …), d’absorption et de diffraction. Cet écho déforme considérablement l’onde acoustique de la détonation, ne serait-ce que la réverbération causée par le sol, tout particulièrement lorsque les micros sont positionnés à bonne distance.
La configuration de l’enregistrement peut également influer sur l’onde correspondant à la déflagration. L’utilisation de filtres hauts en amont des micros altèrera cette onde, tout comme l’utilisation de filtres bas, qui pourra même supprimer l’onde de choc balistique. Si les micros sont trop près de l’arme, la limite de distorsion sera atteinte, saturant les micros et rendant le signal inutilisable.
L’étude du son dans des conditions optimales permet, selon BECK, de comprendre les arcanes des impulsions sonores, et de déterminer le type de variations que l’on peut rencontrer et la mesure dans laquelle les conditions d’enregistrement peuvent affecter le signal.
Le positionnement des micros est l’élément clef du processus.
Si ces enregistrements « purs » collent aux modèles théoriques, ils ont néanmoins réservé de nombreuses surprises.
Surprises, surprises
L’angle de l’arme s’est révélé capitale pour la capture de la signature acoustique par les micros.
Une signature acoustique trouble
Selon l’étude menée par BECK, un coup de feu tiré dans les airs produit une onde radicalement différente de celle d’un coup de feu en direction de
l’équipement d’enregistrement, même si l’arme à l’origine de ces deux tirs est la même.
De la même façon, un tir, éloigné du micro, issu d’une arme lourde produira une signature acoustique qui ne pourra se distinguer de celle d’un tir provenant une arme plus légère mais à moindre distance du micro.
Un « bang » en prime
La deuxième surprise fut un deuxième « bang » capté par le matériel d’enregistrement, lorsque les micros sont positionnés à 90°c du canon de l’arme faisant feu.
Cette deuxième détonation correspondrait à une fuite ou à un échappement de gaz par le côté de certains types d’armes. Les enquêteurs pourraient alors exploiter ce « bang » supplémentaire afin d’identifier la direction de l’arme à partir des micros.
Le téléphone portable : l’axe de recherches à privilégier
S’il est tout à fait possible de modéliser et de prévoir le trajet d’une onde balistique, il reste des paramètres difficilement prédictibles comme :
- la pluie qui génèrera une perturbation acoustique (gouttes de pluie)
- le vent qui transformera la forme conique de l’onde de choc
- la température qui influera directement sur la vitesse de propagation du son
- le degré d’humidité qui pourra atténuer le son
Cependant, BECK semble maîtriser la modélisation de ces différents facteurs, mais reste réservé sur l’exploitation des signatures acoustiques capturées par les téléphones portables.
Le téléphone mobile peut être une source de capture de signature balistique, mais si l’appareil téléphonique est proche de la source du coup de feu, le niveau sonore élevé de la déflagration saturera le microphone, et l’onde sera alors complètement déformée. Ce signal disparate de coup de feu sera ensuite traité par le système d’encodage audio, qui est paramétré pour rendre le langage intelligible mais pas les coups de feu exploitables.
C’est pourquoi, l’interprétation de preuves acoustiques de tir qui ont été traitées par le système audio d’un téléphone portable est un secteur de recherches qui nécessite une étude approfondie
Explique BECK
La configuration de capture optimale est une savante combinaison entre le positionnement de suffisamment de microphones, (à la bonne distance et au bon angle) mais aussi à la maîtrise des facteurs variables.
Il reste encore du chemin à parcourir pour que les experts puissent reconstruire une fusillade les yeux fermés.
- An Introduction to forensic gunshot acoustics, 163nd Acoustical Society of America, 2011 » ↩