La découverte de biomarqueurs spécifiques au cyanure agrandit considérablement la fenêtre de sa détection.

Le professeur Chi-Chung Yu, spécialisé en sciences criminelles étudie la présence d’un nouveau biomarqueur lié à l’empoisonnement par cyanure, qui permettrait de prouver la présence de cyanure dans l’organisme des semaines, voire des mois après l’empoisonnement.
Ses recherches s’inscrivent dans l’étude menée par le professeur de chimie Ilona Petrikovics, maître de conférence, visant à trouver une antidote pour les victimes d’exposition au cyanure lors d’attaque bioterroriste.
Le cyanure : un poison tristement historique
Le cyanure est un poison qui se présente sous forme soit gazeuse (cyanure d’hydrogène), soit sous forme de cyanure de potassium, ou de cyanure de sodium.
Après inhalation de fortes concentrations de cyanure d’hydrogène (technique utilisée dans les chambres à gaz), la mort survient en quelques dizaines de secondes. Elle provoque des convulsions, un coma et un arrêt cardio-circulatoire.
Des indices médico-légaux caractéristiques
Une odeur d’amande amère émanant de la victime et une lividité rose sont les témoins de ce type d’empoisonnement, lors de l’examen post-mortem. L’autopsie révèlera également des brûlures alcalines du tracteur gastro-intestinal ,dans le cas d’ingestion de sels de cyanure.
Dans la mesure où les sels de cyanure sont des sels de type alcalins, on en retrouve aisément des traces autour de la bouche ou du nez de la victime. Cela peut donner lieu à un prélèvement en vue d’une analyse.
Mais dans le cas où aucune substance suspecte n’est découverte sur la scène de crime, la présence de cyanure dans le corps de la victime peut être détectée par des tests chimiques, colorimétriques suivis par une analyse en laboratoire à l’aide de la chromatographie en phase gazeuse /spectrométrie de masse.

Ainsi, de nombreuses preuves médico-légales permettent de déceler la présence du cyanure : le contenu de l’estomac, le sang des victimes permettent de confirmer la cause du décès. L’hydrogène de cyanure sera alors extrait de ces échantillons biologiques et mesuré. Alors à quoi bon chercher un nouveau type de détection ?
Le temps synonyme de certitude

Le cyanure est un ion instable, volatil, et réactif : ces caractéristiques rendent les mesures directes difficiles et sujettes à erreurs particulièrement lors de l’extraction de l’échantillon ainsi que pendant la phase de séparation.
A moins qu’il ne soit détecté sur la bouche ou sur le nez, une concentration élevée de cyanure ne sera présente dans le corps que pendant deux jours, selon Yu. Il a une demi-vie relativement courte : de quelques minutes à quelques heures, selon la matrice (échantillons de sang, d’urine, de tissus, …). Sa détection ne sera alors possible que quelques heures après l’exposition/l’ingestion.
En effet, les cyanures disparaissent du sang des victimes avec une demi-vie d’environ 1 heure durant les 6 premières heures puis élimination jusqu’à 66 heures.
« Le taux de cyanure dans des échantillons prélevés de sang a chuté approximativement de 79% le lendemain »
La formation post-mortem de cyanure peut également compliquer les résultats trouvés : il s’agit dans ce cas de ne pas confondre une production endogène post-mortem.La détection de cyanure est d’autant plus compliquée lorsque l’on a dépassé le délai de détection possible, ou que le corps de la victime est en état de décomposition avancée, ou brulé .
L’ACTA : une solution pour les cadavres « abîmés »
La détection de biomarqueurs stables est alors la bienvenue : ils permettent de proroger le délai imparti à une détection efficace d’une exposition au cyanure.

Une étude récente menée dans le laboratoire de Yu a révélé que la présence d’un biomarqueur, l’ACTA (2- aminothiazoline-4-acide carboylique), augmentait considérablement dans les échantillons prélevés de foie dans les intoxications non létales au cyanure. Ce biomarqueur s’avère être résistant dans le temps.
Nous pensons qu’il s’avère être un marqueur juste dans les empoisonnements au cyanure , déclare Yu, Nous désirons étendre la fenêtre de détection à des semaines, voire des mois
Les équipes de Yu continue à étudier le comportement et la stabilité de ce marqueur in vivo afin d’explorer les possibilités de l’utilisation de l’ACTA comme biomarqueur potentiel dans les cas d’empoisonnement au cyanure.
Yu envisage même d’étendre son étude à la recherche de ACTA dans les os des victimes d’empoisonnement au cyanure.