Alors que la police continue son enquête sur les circonstances de la mort de la neurologue, Autumn KLEIN, les toxicologues ont remarqué que les meurtres par empoisonnement au cyanure restent extrêmement rares.
Meurtre ou Suicide : le cyanure reste un produit accessible.
Autumn KLEIN, 41 ans, médecin spécialisé en neurologie, a été retrouvée décédée dans sa maison d’Oakland, (Pennsylvanie, Etats-Unis,) le 20 avril dernier, avec un très haut taux de cyanure dans le sang. L’enquête est en cours afin de déterminer les causes de la mort. A ce stade des investigations, la mort de KLEIN n’a pas été déclarée suspecte, ni suicidaire.
John TRESTAIL, pharmacologue, instructeur au FBI, et auteur du livre « Criminal Poisoning », s’est spécialisé dans l’étude des cas criminels d’empoisonnement, déclare que dans sa base de données d’homicides par empoisonnement, les morts par cyanure ne représentent que 8% des cas sur une période de 20 ans. La totalité des meurtres par empoisonnements ne représentent que 0.2% des homicides perpétrés aux Etats-Unis.
Le cyanure est plus souvent utilisé pour se suicider que pour assassiner : sur 6500 suicides recensés à New-York en 10 ans, seulement 17 étaient le résultat d’un empoisonnement par cyanure.
Une partie des morts par cyanure sont dues à l’inhalation de fumées lors d’incendies. L’empoisonnement volontaire au cyanure nécessite l’accès à cette substance qui est bien gardée.
Stephen BORRON, urgentiste et professeur de toxicologie à la Texas Tech University Health Sciences Center, déclare que
Le cyanure est une substance qui se doit d’être hors d’atteinte aux personnes qui ne la manipule pas quotidiennement. Ce n’est pas une substance qu’un neurologue trouvera dans son environnement de travail dans une clinique, par exemple.
D’un autre côté, le docteur BORRON explique qu’il est possible d’acheter des composés de cyanure sur internet sans grande difficulté. Ainsi, en 2003, un adolescent avait commandé du cyanure sur le net, arguant qu’il désirait plaquer du métal, mais en réalité l’utilisa pour en verser dans la boisson de son rival amoureux, et le tua.
Bien que le cyanure puisse tuer une personne en quelques minutes, ce n’est pas automatique,
explique le docteur BORRON.
Cyanokit : l’antidote miracle ?
Dans de nombreux cas, si les victimes d’empoisonnement au cyanure se présentent dans les deux heures qui suivent l’intoxication, ils peuvent être sauvés par un antidote, comme le Cyanokit.
Dans une étude menée en collaboration avec des chercheurs français, le docteur BORRON a démontré que sur 11 patients ayant reçu des doses potentiellement mortelles de cyanure, 7 d’entre eux avaient pu être sauvés par l’antidote.
Le cyanure est omniprésent dans notre environnement
D’un point de vue chimique, le cyanure désigne un composé possédant une paire d’atomes carbone-nitrogène. On le trouve à l’état naturel dans les noyaux de pêches, d’abricots et de nectarines, mais aussi dans les pépins de pommes. Il est également présent dans la fumée de cigarette sous la forme de cyanure d’hydrogène (HCN), ou acide cyanydrique. C’est précisément sous la forme de ce gaz qu’il était utilisé par les nazis dans les chambres à gaz.
L’acide cyanhydrique se présente sous la forme d’un liquide incolore, particulièrement volatil, ayant une odeur caractéristique d’amande amère, que l’on retrouve lors d’autopsie face à une forte concentration de cyanure dans l’organisme. Présents dans de nombreux polymères naturels, comme la laine ou la soie, mais aussi synthétiques comme les polyamides, il se dégage par effet de combustion.
L’acide cyanhydrique existe également sous forme de sels soluble (cyanure de potassium, d’ammonium ou de calcium). Il est alors sous forme de poudre blanche qui est responsable d’intoxication par ingestion. L’intoxication est non seulement le résultat de l’ingestion mais aussi de l’HCN gazeux généré par l’acidité de l’estomac.
Ferré par le cyanure
Le cyanure se fixe sur le fer présent dans l’hémoglobine, et bloque ce dernier à l’état ferrique, par conséquent entraînant un mauvais fonctionnement du système respiratoire.
Notre corps possède des défenses naturelles contre le cyanure. Il s’agit d’une sorte d’enzyme qui peut transformer le cyanure en thiocyanate, un composé peu toxique. La vitamine B12 sous la forme d’hydroxycolabamine influence vraisemblablement la conversion du cyanure en thiocyanate. Ainsi, le cyanure est détoxiqué dans l’organisme (via les reins, le pancréas et la glande thyroïdienne) . Cette conversion représente la voie métabolique la plus importante (80%). Ce thiocyanate est ensuite éliminé par les voies urinaires.
Cette transformation salvatrice ne peut s’effectuer pour des dosages inférieurs à 250 milligrammes : au-delà de cette dose, le corps est comme submergé et son aptitude à le changer en thiocyanate s’en trouve paralysée.
Sans antidote, une mort certaine
Le cyanure est un fort anoxiant cellulaire. A forte concentration, il bloque le fonctionnement d’organes nécessitant une oxygénation élevée, comme le cerveau et le cœur. Il entraine alors une production excessive d’acide lactique. La couleur rosée de la peau, témoignant de l’absence de consommation d’oxygène par les tissus, est significative d’un empoisonnement au cyanure.
Dans le cas d’intoxication aigües, on souffre de maux de tête, de vertiges, de troubles visuels et auditifs, de perte de connaissance allant jusqu’au coma profond, survient alors un arrêt cardiorespiratoire dû à un œdème aigu pulmonaire ou cardiogénique.
Une concentration sanguine de cyanure est considérée toxique lorsqu’elle est supérieure ou égale à 40 micromol/litre. L’analyse de concentration sanguine doit s’effectuer dans l’heure qui suit l’empoisonnement car la demie-vie du cyanure n’excède pas l’heure : la moitié de la dose de cyanure aura alors disparue.
Le pronostic vital dépend à la fois de la concentration de cyanure dans l’organisme mais surtout du délai de mise en œuvre d’un traitement antidote.
Lorsque le médecin légiste soupçonne un cas d’empoisonnement au cyanure, il effectuera une analyse sanguine, puis du cœur, des poumons ainsi que de la rate. Certains légistes sont capables de détecter la présence de cyanure par l’odeur d’amande amère qui se dégage du cadavre. Mais John TRESTAIL précise que seulement la moitié de la population est dotée de gènes permettant de détecter cette odeur.
Et je n’en fais pas partie
regrette-t-il.