L’analyse des réseaux sociaux
Tout d’abord, jetons un œil sur l’organisation de Los Zetas.
Leur organisation est similaire à celle des Apaches à l’époque de la colonisation espagnole. Les Apaches n’étaient pas reliés à un endroit géographique précis .Tout comme eux, Los Zetas peuvent organiser une opération et se disperser aux quatre vents sans devoir se préoccuper de laisser des hommes, des équipements ou des armes derrière eux.
La notion de centralité est essentielle. Elle permet d’identifier les cibles de valeur : il s’agit de se concentrer sur les pièces maitresses. L’attaque optimum serait sous la forme d’un « essaim » capable de frapper d’une façon simultanée et omni-directionnelle.
La récupération des données
Prenons pour exemple le cartel de Los Zetas, composé de 4000 individus.Afin d’analyser le réseau des Zetas et extraire les liens opérationnels. Etudier la qualité et l’effectivité de ces liens est primordial. Cela permet de se concentrer sur les acteurs les plus critique du réseau et ne pas gaspiller des ressources sur des acteurs mineurs. Les liens sont volatils : ils s’en forment constamment, se renforcent ou s’affaiblissent, voire s’éteignent selon les circonstances. Des liens présumés inactifs peuvent néanmoins être réactivés si le besoin s’en fait sentir.
Les informations nécessaires à l’étude de ces liens sont extraites de journaux, de sites internet, de blogs, de livres, de magazines, de dépositions, de rapports gouvernementaux, de documents juridiques et de rapports dans la presse espagnole et anglaise.
Cette multitude de sources d’informations est toujours actualisée et pertinente, mais reste peu sûre. Toutes ces informations doivent être corroborées.
Le réseau présenté ci-dessus est un arrêt sur image mais regroupe des informations glanées entre 2000 et 2011, ce qui est suffisant pour donner un aperçu opérationnel du réseau de Los Zetas. A ce jour, et très logiquement LAZCANO a été remplacé par MORALES.
Geeks contre Cartels
Les logiciels utilisés pour l’analyse et la visualisation des liens sont :
- Palantir
- UCINET couplé à NetDraw
- ORA
Tous ces logiciels sont spécialisés dans l’analyse des réseaux.
Afin de déterminer la centralité d’un individu, quatre types de centralité sont étudiés :
- la proximité
- la centralité intermédiaire
- le degré de centralité
- le vecteur propre
Seuls les dix premiers meilleurs scores seront pris en compte.
La proximité
La proximité mesure la proximité avec les autres noeuds (nodes) du réseau. Plus un noeud est proche de tous les autres, plus son score de proximité est élevé : plus vite l’information lui parvient et plus précise est-elle. LAZCANO (le leader de Los Zetas de l’époque) est le plus central. Cela signifie qu’il est profondément impliqué dans la coordination des activités de Los Zetas.
Degré de centralité
Le classement suivant est présenté par degré de centralité : il s’agit de comptabiliser les liens adjacents de l’individu.
Tout comme le sociogramme précédent, les noeuds rouges représentent les acteurs présentant les meilleurs scores. Les noeuds rouges, comme par hasard, correspondent à tous les Zetas de première heure, et LAZCANO est une fois de plus en tête.
Le deuxième au classement est Enrique REJON-AGUILAR, qui est le numéro 3 de l’organisation. Curieusement, MORALES, le commandant en second, est absent de ce classement : cela peut s’expliquer par son manque d’autorité et par conséquent son inaptitude à donner des ordres. L’absence au classement ne doit pas l’épargner de toute attention, car il figure plutôt bien placé dans tous les autres classements.
Deux groupes (MENDEZ, TREJO BENAVIDES, HERNANDEZ LECHUGA, GUERRA RAMIREZ) totalisent des scores identiques : cela signifie qu’il est alors nécessaire de prendre en considération d’autres évaluations discriminantes afin de classer prioritairement les cibles.
La centralité intermédiaire
Cette mesure évalue la position d’intermédiaire. La centralité intermédiaire présume du pouvoir qu’un individu à sur les autres lorsque le lien les reliant est le plus court sur le réseau. Cette mesure identifie les personnes qui ont un rôle de courtier et qui de ce fait contrôle le flux de ressources par le réseau.
Une fois de plus, le premier est LAZCANO.HERNANDEZ en seconde position bénéficie d’une position unique. En effet, en termes de connections, il n’est même pas classé dans les dix premiers mais apparaît sous les feux des projecteurs en termes de courtage. SALVADOR-ESCOBEDO, en troisième position est le chef de la région de Tamaulipas et a pour fonctions le contrôle des hommes, des armes, des profits et de l’équipement. En quatrième position vient AJENDRO –DURAN, en charge des paiements de Los Zetas et de la surveillance des opérations policières et militaires, et se déplace le long de la côte mexicaine. Ces deux derniers individus n’avaient pas été identifiés par les autres mesures de centralité.
La centralité par vecteur propre
Le principe du vecteur propre repose sur le postulat que les liens dirigés vers un acteur central a plus d’importance que les liens pointés vers les autres acteurs périphériques. Le vecteur propre mesure le poids total des liens d’un individu par l’évaluation de la centralité des individus auquel il est lié. Cette mesure a pour but de pointer vers les acteurs les plus centraux en étudiant à la fois la position du noeud et la structure de l’ensemble du réseau par une analyse factorielle.
Les noeuds rouges représentent les dix premiers au classement. Tous les individus figurant sur le tableau du classement sont encore des Zetas « pure souche ». Les noeuds sont regroupés autour du groupe fondateur des Zetas, et les sous-groupes désigne des individus unis et loyaux. Ils ont tous un passé militaire, ce qui les rend particulièrement dangereux.
Zoomons sur les protagonistes :
LAZCANO, toujours en bon premier, suivi du numéro 3 de l’organisation : REJON-AGUILAR
En troisième position : VERA-CALVA. Ce dernier est un déserteur.
Puis, MELLADO-CRUZ est spécialisé dans les interceptions de télécommunications et radios.
MENDEZ, en cinquième position, est un ancien militaire qui avait été capturé par les Zetas.
Enfin, un autre ancien militaire : TREJO-BENAVIDES.
Chacun de ces Zetas est un leader, doublé d’un expert dans son domaine.
Projection d’une élimination ciblée
Il convient de préciser que seuls les calculs de centralité ne peuvent révéler intégralement les vulnérabilités d’un tel réseau. Par exemple, LAZCANO totalise les plus hauts scores, mais son élimination a été certes critique mais ne suffirait pas à fragmenter fondamentalement le cartel. Les autres groupes sont restés intacts, et Los Zetas ont continué à opérer. De nombreux chefs sont tombés par le passé, et beaucoup d’hommes ont été arrêtés : leur résilience les a aidé à maintenir leur position. Afin d’affiner les données, Sephen P.BORGATTI a élaboré une variété algorithmes afin de quantifier la limites des mesures de centralités et permettre désigner d’une façon optimale les personnages clefs du cartel.
A présent, voyons ce qui se passerait si l’on procédait à une élimination ciblée grâce à ces différents calculs combinés…
Le centre de gravité des Zetas resterait intact, et quelques liens hautement opérationnels, mais le reste de l’organisation criminelle serait alors quelque peu … dépouillée.