Story Highlights
- In-dé-li-bi-le … Vraiment ?
- Regrets mortels
- Poison esthétique
Intoxication fatale au phénol
Le tatouage est à la mode, particulièrement auprès des jeunes. Les adolescents se font deux à trois fois plus tatouer que le reste de la population.
Artistique, symbolique, signe extérieur d’étapes personnelles franchies dans la vie, signe ou recherche d’appartenance, expression du Moi, ou encore rituel, le tatouage est révélateur.
Il est le résultat d’injections d’encres pigmentées dans les tissus sous-cutanés (derme), créant ainsi un panel de couleurs distinctes de la pigmentation de la peau.
In-dé-li-bi-le … Vraiment ?
Or, on estime que plus de 50% de personnes tatouées le regrettent ultérieurement.
Les méthodes de détatouages sont multiples mais d’efficacités inégales 1 :
- cryothérapie, cryochirurgie : l’azote liquide est soit pulvérisé, soit appliqué avec un coton, gelant ainsi la peau tatouée.
- dermabrasion : ponçage de la peau avec une brosse métallique
- laser : fragmentation progressive des particules d’encre, ensuite absorbées par l’organisme.
- ablation chirurgicale : découpage de la peau sur laquelle se trouve le tatouage.
- solution à base d’acide thrichloracétique (TCA), ou solution de Jessner : peeling chimique éclaircissant le tatouage jusqu’à le rendre invisible, et provoquant un peeling de profondeur moyenne (derme papillaire),
- ou une solution à partir de phénol : méthode de peeling chimique basée sur les propriétés kératolytique du phénol, provoquant un peeling en profondeur. Sa pénétration peut être accentuée par la pose d’un bandage occlusif.
Dans le domaine esthétique, le phénol est couramment utilisé contre le vieillissement de la peau et à des fins de rajeunissement facial. Il fait peler la peau en profondeur afin de la régénérer. Une telle procédure se fait sous anésthésie locale car le peeling est très douloureux.
Ce fut la méthode choisie par un jeune chinois de 21 ans, qui a succombé à sa séance de détatouage. Il s’était fait tatoué un dragon sur le torse, l’arrière des épaules et sur le bras droit un an auparavant.
Devant l’étendue d’un tel tatouage, plusieurs séances de détatouage sont nécessaires. Sa première séance, 20 jours avant la séance fatale, s’était bien passée.
La deuxième séance a duré environ 3 heures, au terme de laquelle le jeune homme est sorti de la cabine de tatouage, puis a fait quelques pas avant de s’effondrer le souffle court : il est mort en quelques minutes.
La méthode utilisée a consisté en l’injection, à l’aide d’une machine à tatouer, d’une solution contenant de l’huile de croton, de l’eau et une dose d’une concentration incertaine de phénol.
Or, la toxicité du phénol est connue. Utilisé dans le camp de concentration d’Auschwitz comme moyen d’exécution par injection, le phénol est un acide organique que l’on retrouve dans de nombreux produits : peintures, vernis, colles, adhésifs, désinfectants, antiseptiques, produits esthétiques et médicamenteux.
Si la littérature sur sa toxicité est pauvre, ses effets sur l’homme sont néanmoins connus.
Poison esthétique
Ce produit, déposé sur la peau est absorbé de façon constante pendant une heure : le taux d’absorption augmente avec la dose. 80 à 100% de la dose d’exposition est excrétées par les urines dans les 24 heures.
Lors de l’autopsie, une nécrose focale avec décollement de la peau, accompagnée d’une décoloration cutanée ont pu être observées à l’endroit de l’ancien tatouage.
Aucune trace de médicament, ou de drogue autre que le phénol n’était présente dans l’organisme.
A l’origine, le jeune homme était en bonne santé, et aucune maladie organique sous-jacente ne peut avoir causé ou participer au décès.
L’examen toxicologique a révélé la présence de phénol dans le sang cardiaque et dans le tissu hépatique.
D’ailleurs, l’autopsie interne a décelé une congestion et un œdème pulmonaires.
La cardiotoxicité de ce produit est documentée.
L’intoxication cutanée aigüe entraîne des maux de tête, des troubles de la vision et de l’audition, une faiblesse musculaire, une respiration irrégulière, un pouls faible, une perte de conscience : la mort survient par détresse respiratoire, de 30 minutes à quelques heures après le contact.
Il convient impérativement de procéder à une injection intraveineuse de liquide hydratant avant et après toute procédure, afin de réduire les niveaux de phénol dans le sang : un litre avant et un litre pendant l’intervention.
Il est également recommandé de surveiller le rythme cardiaque par électrocardiogramme.
La gravité de l’intoxication cutanée dépend du temps de contact, de l’étendue de la zone exposée au phénol, et du taux de dissolution du produit.
Dans le cas tragique de ce jeune homme, elle s’est avérée mortelle : l’importance du tatouage, et par conséquent la durée du processus de détatouage, la surface de peau traitée au phénol sont autant de facteurs qui ont causé sa mort.