La France durcit ses lois anti-terrorisme
Les lois anti-terrorisme se multiplient depuis une vingtaine d’années. Elles sont souvent votées en réaction d’attentats. Au lendemain des attentats de Paris, les législateurs se sont mobilisés, et le 6 avril 2016, le Sénat a voté en large majorité pour l’adoption de toute une série d’amendements de la loi de la « Lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement », afin d’en améliorer l’efficacité.
Le code pénal définit l’acte terroriste comme une « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur » (Art 421-1 du Code Pénal).
Le texte adopté en juillet 2015, relatif au renseignement et fortement controversé, a déjà renforcé considérablement les possibilités de surveillance.
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Une efficacité renforcée votée à l’unanimité
Le projet de réforme pénale post-attentats a été adopté mardi dernier par le Sénat, avec une majorité écrasante (299 voix pour et 29 voix contre).
Cette réforme introduit plusieurs amendements à la loi votée en février dernier, et modifie certains articles du CPP.
- Saisies des communications électroniques et cyber-infiltration
Toutes « correspondances numériques émises, reçues ou stockées sur une adresse électronique ou au moyen d’un identifiant informatique » seront saisissables, enregistrables et copiables.Tout échange électronique pourra être intercepté.
Les OPJ pourront installer des dispositifs techniques permettant « la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé ».
Cet article de loi concernant les écoutes a été enrichi d’une mesure permettant aux OPJ « d’accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre, telles qu’elles sont stockées dans un système informatique, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données, telles qu’il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu’elles sont reçues et émises par des périphériques audiovisuels. »
Ainsi, les systèmes de surveillance et d’écoutes sont mis au gout du jour.
Le juge des référés pourra bloquer les services internet qui diffusent des provocations ou des images faisant l’apologie du terrorisme (Art 422-9).
- Force et Dissuasion
Quant aux constructeurs de smartphones récalcitrants, ou fournisseurs internet têtus, qui refuseraient « de communiquer à l’autorité judiciaire requérante enquêtant sur des crimes ou délits terroristes », ils encourraient une peine jusqu’à 5 ans de prison et 350 000 euros d’amende. Non pas que cette situation se soit déjà produite, mais, vaut mieux prévenir que guérir !
- Perpétuité réelle
Jusqu’à présent, le crime terroriste était sanctionné d’une peine de prison à perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans. Cette période de sûreté est portée à 30 ans dans le meilleur des cas, mais une décision de refus d’aménagement de peine peut être adoptée, auquel cas il s’agira d’une perpétuité réelle et incompressible.
- Irresponsabilité pénale pour les forces de l’ordre
Les forces de l’ordre faisant usage de leur arme afin d’empêcher un ou plusieurs meurtres bénéficieront d’une irresponsabilité pénale.
- Création de nouvelles infractions pénales
En 1994, le Code pénal a fait des actes de terrorisme des infractions autonomes.
De nouvelles infractions qualifiées d’actes de terrorisme ont été rajoutées au CPP. Seront légalement punies :
- toute personne qui consultera de manière habituelle, et sans aucun motif légitime, des sites internet qui provoquent au terrorisme ou qui en font l’apologie lorsqu’ils diffusent à cette fin des images d’actes de terrorismes d’atteinte à la vie (Art 421-2-6),
- toute personne française ou résidant habituellement en France, qui se rend à l’étranger pour y suivre des travaux d’endoctrinement à des idéologies conduisant au terrorisme, en participant notamment à des camps d’entrainement : elle seront poursuivie pénalement dès leur retour (Art 422-8)
A cela viennent s’ajouter des articles réprimant :
- la provocation et l’apologie des actes de terrorisme, (Art 421-4-5)
- le chantage en vue de commettre des actes de terrorisme, (Art 421-1)
- l’instigateur d’actes de terrorisme sera assimilé pénalement à l’instigateur d’assassinat (Art 421-2-4)
- Le délit d’association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste constituera une circonstance aggravante (Art 421-2-1).
- Le nerf de la guerre
Afin de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, l’utilisation des cartes de paiement rechargeables seront interdites, lorsqu’elles ne pourront être clairement rattachées à un utilisateur identifiable.
A une situation extraordinaire, des réponses tout aussi extraordinaires !