Le microbiome permet de dater la mort
Après la parution d’une étude récente, confirmant que notre microbiome permet de nous identifier aussi sûrement que notre empreinte digitale, des chercheurs américains ont prouvé qu’il permet également de dater la mort avec précision et plus aisément que les entomologistes.
100 000 milliards de traits distinctifs
Jusqu’à présent, on soupçonnait le microbiome de pouvoir être utilisé comme outil identificatoire, et l’étude, publiée en mai dernier par des chercheurs d’Harvard T.H Chan School of Public Health, confirme cette hypothèse.
Notre corps compte dix fois plus de cellules microbiennes que cellules humaines. Le corps humain abrite 100 000 milliards de microbes, qui effectuent de nombreuses tâches comme celle de la digestion ou encore du renforcement des défenses immunitaires.
Ces chercheurs ont démontré que les microbes individuels contiennent suffisamment de traits distinctifs pour identifier un individu. Cette étude, menée avec rigueur sur une population de centaines d’individus, et sur une période de plusieurs mois a permis, grâce à un algorithme informatique classique, de combiner les caractéristiques stables et distinctes des séquences à partir des échantillons prélevés à chaque individu, et de produire un code individuel spécifique. Chacun de ces codes issus de prélèvements d’échantillons intestinaux s’est avéré unique et pérenne. 80% des individus restaient identifiables un an après le prélèvement.
Cependant, certaines questions subsistent et sont encore à l’étude :
- Combien de temps la signature microbienne reste-t-elle sur un objet ?
- Le type de surface est-il déterminant ?
- Quel type de contact sur une surface est nécessaire pour laisser une empreinte microbienne ?
- Qu’est-ce qui pourrait brouiller l’empreinte ?
- Que se passe-t-il lorsque les cellules microbiennes se mélangent avec les cellules d’une autre personne ?
Les mouches sont des petits êtres fragiles
Le changement des communautés microbiennes lors de la décomposition de cadavres humains est une horloge prévisible et fiable. Le processus de décomposition est rythmé par une succession de changements qui interviennent après la mort.
La date de décès est souvent un élément critique dans une enquête : elle permet de confirmer ou d’infirmer la culpabilité d’un suspect.
Aujourd’hui, les enquêteurs datent la mort en étudiant les mouches bleues.
Ces mouches bleues ont servi à mettre en évidence avec précision les changements étape par étape du microbiote après la mort. Cette méthode d’analyse forensique est courante et populaire. Ces mouches sont attirées par les cadavres de vertébrés en décomposition. Elles pondent leurs œufs, qui deviennent ensuite des larves, et cela dans un incrément de temps connu. Cette technique est néanmoins limitée par des facteurs météorologiques : les mouches n’oeuvrent pas lorsqu’il fait froid.
La technique d’analyse du microbiome n’est pas soumis à cette contrainte.
Lorsque les microbes se révèlent être un élément de scène de crime déterminant
Une étude récente, menée par 25 chercheurs et 11 institutions différentes, s’est déroulée dans la ferme des corps du STAFSF.
Cette installation utilise des dons de cadavres, qui permettent aux étudiants, mais aussi aux scientifiques, et au personnel des forces de l’ordre, d’étudier les différents stades de décomposition de cadavres.
L’étude a démontré que l’analyse du microbiome permet d’estimer la date de la mort avec une précision égale aux méthodes traditionnelles entomologiques, sans la contrainte météorologique, mais aussi le lieu initial des corps qui ont été bougés. Elle permet également de découvrir l’emplacement de corps enterrés.
En plus d’étudier les cadavres humains, l’équipe de scientifiques a observé la décomposition de souris dans trois sols différents : un désert, une prairie d’herbes rases, et une forêt en haute montagne.
Les communautés microbiennes « décomposeuses » se sont avérées identiques dans les trois sols, et les étapes de décomposition similaires à celle des cadavres humains.
Si les micro-organismes « décomposeurs » sont omniprésents, mais rares à l’intérieur ou à l’extérieur de notre corps, ou encore dans notre environnement avant que la mort ne survienne, on les trouve en abondance après la mort.
L’étude des microbes de la peau tant des cadavres humains que des souris, a révélé, avec une marge d’erreur de 2 à 4 jours sur une période écoulée de 25 jours, la date de la mort.
L’équipe a également constaté que les corps en décomposition modifient considérablement les communautés microbiennes du sol, permettant ainsi de détecter la présence d’un corps en décomposition par son analyse, et cela même si le corps a été bougé, et qu’il s’agit d’une scène de crime primaire, mais que le corps a été retrouvé sur une scène secondaire.
Les techniques de séquençage nous permettent de trouver les structures de diverses populations de micro-organismes, de voir la façon dont elles sont associées à des individus spécifiques et de comprendre leur évolution dans le temps, d’une façon que nous n’avions pas à notre disposition il y a quelques années,
explique le professeur Robert KNIGHT, co-dirigeant de l’étude.
En effet, l’équipe de chercheurs a utilisé une technique de séquençage génétique afin de classer sous forme de diagrammes les microbes présents sur les cadavres et sur les sols sur lesquels ils reposent.
Vers une réponse thérapeutique individualisée
Robert KNIGHT fait partie d’un groupe de scientifiques américains à l’origine d’une étude nationale, connue sous le nom de « Unified Microbiome Initiative ». L’étude de l’écologie microbienne révèle que notre faune microbienne est influencée par notre environnement corporel, notre génétique, notre régime alimentaire, mais aussi notre histoire développementale.
L’inventaire et la cartographie de notre microbiome fournissent des informations prédictives quant aux maladies que nous pourrions développer.
La technologie développée par le Wyss Institute, « intestin-sur-une-puce », a permis d’observer pour la première fois la façon dont les microbes et les bactéries pathogènes contribuent à nos défenses immunitaires, en modélisant les mécanismes physiologiques de nos intestins à l’échelle d’un micro environnement : une véritable révolution culturelle laissant entrevoir des réponses thérapeutiques inédites, individualisées et ciblées.