Profil des faussaires
Il existe trois catégories de faussaires :
– Le faussaire artisanal et domestique : il utilise un scanner et une imprimante (dans les cités, par exemple)
– Le faussaire intermédiaire : il produit quelques milliers de billets
– Le faussaire industriel : équipé de machine à imprimer (les organisations criminelles)
Corinne BERTOUX, commissaire à la DCPJ (Direction Centrale de la Police Judiciaire), et directrice de l’OCRFM, estime que la France est le pays le plus impacté par la fausse monnaie.
Cela s’explique par l’attrait touristique du pays et par sa situation de carrefour commercial.Les fabricants sont en général des gens du voyage, ce qui rend plus difficile le traçage des billets, et les monnayeurs qui vont chercher des billets en Italie viennent souvent des banlieues dites « sensibles ». Par ailleurs, ces réseaux sont de plus en plus liés aux trafics de drogue.
70% des faux billets proviennent de l’Italie. Plus d’un milliard d’euros a été injecté sur le marché financier mondial. Ces faux sont d’une facture d’une telle qualité que la BCE et Interpol sont très inquiets. En dix ans, seuls 5.5 millions de faux billets, pour une valeur nominale de 400 millions d’euros ont été retirés.
Mais les quantités saisies ne sont que la pointe de l’iceberg,
explique Europol
la part qui échappe aux contrôles est largement plus importante.
On estime cette part à trois voire quatre fois plus importante.
Ces faussaires de génie appartiennent à un clan mafieux situé aux alentours de Naples, fief de la Camorra. Ses ramifications internationales semblent infinies. Leur production de fausse monnaie répond à des commandes issues de pays comme ceux de l’Afrique du Nord, la Colombie ou encore le Moyen-Orient. Ces pays sont une cible facile car ils ne connaissent qu’approximativement les euros et ont une monnaie faible. La Camorra utilise cette monnaie d’échange avec les trafiquants de cocaïne colombiens.
Le réseau d’écoulement est quasi similaire à celui de la drogue. Tout d’abord, le propriétaire de l’imprimerie (commanditaire), souvent un subalterne de la Camorra, est en charge de l’aspect matériel (machine offset, filigrane, encres, papier …), puis intervient le typographe, (ceux capables d’imiter les sécurités se comptent sur les doigts de la main, et valent une véritable fortune), et enfin le distributeur, homme de confiance du commanditaire, qui sera en charge de stocker la marchandise, et de trouver les intermédiaires (des mules) qui écouleront le produit . Les Lituaniens utilisent les mêmes réseaux que ceux leur servant au trafic de drogue et sont les meilleurs dans la distribution.
La dure loi du marché
50% de la production européenne de faux billets est issue d’Italie, puis la France et l’Espagne se partagent le reste du marché, avec une production issue de chaine graphique. Néanmoins, depuis quelques années, les bulgares sont de la partie. La contrefaçon est une vieille tradition : le dollar fut leur première réussite, et aujourd’hui ils sont capables de produire des billets de 200 euros de grande qualité. Il convient de ne pas oublier la concurrence d’autres pays émergents comme la Pologne, où un million d’euros a été récemment saisi. Si la Bosnie, la Turquie, l’Albanie et la Lituanie ne produisent pas de fausses coupures, ils n’en sont pas moins un vivier inépuisable de mules pour les Italiens.
Et les Chinois, me direz-vous ? Connus pour être des virtuoses de la contrefaçon, ils semblent s’être pour l’instant tenu à l’écart de ce marché, ou presque. Des hologrammes destinés aux billets de 200 euros ont été saisis récemment en Bulgarie, et avaient été confectionnés par des faussaires chinois. Si la Chine se met à la fausse monnaie, on devine aisément ce que cela pourra signifier : l’iceberg sera monumental !
Les moyens mis en œuvre pour lutter efficacement contre les faussaires.
Des bases de données adéquates
L’Office Central pour la répression du Faux Monnayage (OCRFM), crée en 1929, assure la coordination des services de la Police Judiciaire et de la gendarmerie nationale. De par son statut d’Office, il est l’interlocuteur privilégié d’Interpol pour tout ce qui concerne la contrefaçon.
Il est également responsable de l’alimentation de deux bases de données spécialisées :
– Le Répertoire Automatisé Pour l’Analyse des Contrefaçons de l’Euro : RAPACE
– Le Fichier National du Faux Monnayage : FNFM
Le FNFM alimente le système d’information d’Europol.
2013 : l’avènement du nouvel euro
Outre l’aspect répressif à travers l’OCRFM, n’oublions pas l’aspect préventif. L’euro, réputée être la monnaie la plus difficile à contrefaire, est en bout de course. Aussi, la BCE annonce la mise en circulation du nouvelle série de billets, appelée « Europe », dont la première coupure sera le billet de 5€. Sa mise en circulation est prévue pour le 2 mai 2013. Cette nouvelle série devrait acheter un peu de répit à la BCE d’ici que les faussaires parviennent à contourner toutes les nouvelles sécurités mises en place. D’une façon générale, il faut compter 2 ans avant la première tentative. Cette série est annoncée par Mario DRAGHI comme étant
plus intelligente et plus sûre
Des sécurités multiples
Les signes de sécurité ont été perfectionnés et rendront les billets encore plus sûrs
indique la BCE
Ces billets seront dotés de
trois nouveaux signes, à savoir le filigrane portrait, l’hologramme portrait et le nombre émeraude
1. Le filigrane portait apparaît par transparence, avec la valeur du billet
2. L’hologramme portrait : la bande argentée fait apparaître un portrait d’Europe
3. Le nombre émeraude : nombre changeant de couleur sous l’effet de la lumière, passant du vert émeraude au bleu profond.
4. L’impression en relief indiquant la valeur du billet
5. Fil de sécurité : apparaît par transparence
Les billets de 10€ seront mis en circulation courant 2014, et les autres dans les années à venir.
L’injection de fausse monnaie sur le marché européen a de lourdes conséquences. En effet, la monnaie reste le test de crédibilité des institutions européennes. Elles doivent y répondre d’une façon proactive si elles ne veulent pas voir l’euro perdre de sa valeur. L’Europe se doit de garantir sa monnaie.
En guise de conclusion, il serait bon de rappeler que la contrefaçon de monnaie relève des crimes et délits contre la nation. L’article 442-1 du Code Pénal et de Procédure prévoit une condamnation de 30 ans de réclusion criminelle et une amende de 450 000 euros : des vrais !