L’ADN dépassé par la précision du protéome
L’examen des projectiles après des échanges de tirs d’armes à feu se traduit, outre l’analyse balistique, par une reconstitution des faits. Si l’analyse ADN permet d’identifier la victime des coups de feu, elle ne permet pas de déterminer le projectile qui a causé la mort, étape essentielle à toute démarche juridique.
La médecine légale utilise depuis longtemps la biologie moléculaire à des fins forensiques, pour lier, par exemple, un suspect à un crime grâce à une infime quantité de matière organique. Mais lorsqu’il s’agit de déterminer quel coup de couteau ou quelle balle a causé la mort, elle n’est alors d’aucune utilité.
Une nouvelle étude menée par des chercheurs de Tüblingen (Allemagne) permet de faire correspondre chaque organe touché à une signature protéinique spécifique sur les projectiles ou sur les lames d’armes tranchantes.
Cette équipe multidisciplinaire est composée de scientifiques issus du Centre de Bioinformatique, du département de Médecine Légale, du Centre de Biologie Quantitative mais aussi de bio-analystes du Centre de Recherches d’Ophtalmologie.
L’analyse du protéome, basée sur la spectrométrie de masse, a permis d’établir que les projectiles qui avaient traversé un organe vital (cœur, foie, rein ou autre organe ou tissus vitaux) portaient des traces de protéines propres à cet organe. Ces signatures protéiniques ont permis aux experts d’identifier l’organe touché et de trouver le projectile correspondant à la blessure.
L’équipe s’est basée sur le cas d’un homme de 63 ans, sur lequel son épouse avait tiré deux fois alors qu’il était en train de conduire. Parvenant à arrêter le véhicule, il a pu alors s’échapper. Mais sa femme l’a finalement rattrapé et lui a tiré trois balles dans le corps qui lui furent fatales.
Cependant, les enquêteurs voulurent savoir quel était le projectile, sur les cinq tirés, qui l’avait tué.
La classification bioinformatique seule n’a pas pu établir de liens avec les organes incriminés à cause de divers contaminants, provenant de la scène de crime, du flux sanguin et autres variables. Néanmoins, l’identification des protéines spécifiques à chaque organe a permis aux scientifiques de faire correspondre chaque blessure au projectile correspondant par élimination. C’est en prélevant tout d’abord les signatures chimiques sur les balles, qu’ils ont pu tracer le parcours de celles-ci à travers le corps.
Sur les cinq projectiles tirés, seuls les trois derniers étaient fatals :
- l’un avait traversé le foie et le ventricule droit
- un autre avait perforé l’avant-bras, puis traversé le cœur et les poumons
- enfin, le dernier avait traversé l’aorte et la trachée.
Cette démarche a permis une reconstitution complète du crime malgré la contamination des indices.
Néanmoins, les scientifiques tempèrent leur analyse :
Le niveau de prévisibilité (en pratique) dépend fortement de l’influence de la contamination, que ce soit par d’autres organes, la poussière, le sang , …
Mais avant d’appliquer leur analyse à un crime réel, les chercheurs ont tout d’abord testé ce processus sur des organes isolés de bovins, portant une signature unique. 79 échantillons ont donné plus de 1750 protéines extraites générant une signature chimique identifiable, qu’ils ont classée statistiquement. Puis, ils ont utilisé la spectrométrie de masse pour mesurer, décrire et finalement identifier les paramètres correspondants sur les projectiles.
Ils sont parvenus à établir ce rapprochement avec un taux de réussite de 99%.
Cette méthode a été brevetée et concédée sous licence. Les bases de données ADN sont dans l’air du temps, aussi l’équipe espère que cette analyse permettra d’élaborer une base de données des signatures protéiniques de tous les organes importants afin d’identifier une signature rapidement : un complément forensique novateur.