La Géocriminologie investit le monde criminel
Il convient de ne pas confondre le profilage géographique (geographic profiling) et la géocriminologie. Le profilage criminologique, lorsqu’il est appliqué à l’analyse criminelle, est une méthodologie d’investigation qui utilise la localisation d’une série de crimes attribués aux mêmes suspects pour déterminer l’aire de résidence du criminel la plus probable. Pour cela, on utilise un algorithme de type « Criminal Geographic Targeting » (CGT) qui définira une surface de danger (jeopardy surface). Il s’agit de ce que l’on appelle un géoprofil.
Quant à la cartographie criminelle (crime mapping), il s’agit d’une sous-spécialité de la géographie. Elle a pour objectif de cartographier les crimes et délits afin de déterminer les « points chauds » (hotspots 1). Ce géocodage permet d’analyser les raisons pour lesquelles la criminalité se concentre en un point déterminé mais aussi ce qui poussent les criminels à choisir des lieux plutôt que d’autres : tout n’est qu’opportunité.
L’opportunité criminelle
Un crime n’est commis que s’il existe une opportunité criminelle, une adéquation entre l’évaluation des risques et des bénéfices retirés. Afin de cartographier ces opportunités il convient de compiler toutes les données relatives aux infractions. Combinées aux techniques SIG, ces concentrations spatiales d’actes criminels sont réparties d’une façon hétérogène.
Même si certains crimes paraissent chaotiques, il n’y a pas de hasard. Selon Patricia L. et Paul J.BRANTINGHAM 2, le lieu est choisi par le criminel : il s’agit d’un lieu où la victime est repérée par un agresseur durant son déplacement. Le criminel se construit une image mentale de la ville dans laquelle il évolue, et aura tendance à commettre une agression dans un espace qu’il connait. Le but de la géocriminologie sera d’augmenter la difficulté du passage à l’acte en le rendant plus risqué.
La modélisation du comportement criminel : CRUSH
CRUSH est un logiciel développé par IBM, permettant aux forces de police de cibler les points chauds et par conséquent optimiser le déploiement de ses agents. Il ne s’agit pas d’arrêter les « pré-meurtriers » mais de définir précisément les zones à risque. Mark CLEVERLY, directeur de l’unité d’analyse prédictive de la criminalité chez IBM, a basé son logiciel sur la modélisation des comportements criminels tout comme le comportement du consommateur est modélisé afin de prévoir les tendances d’achats, et de cibler les campagnes marketing.
On peut construire un modèle de comportement avec plusieurs facteurs comme la période de l’année, s’il fait chaud et humide ou froid ou neigeux, si c’est un jour de paye où les gens auront du liquide sur eux.
déclare CLEVERLY.
Ce logiciel pourrait mettre fin à la rengaine du citoyen « ils ne sont jamais là quand on en a besoin ! ». CRUSH pourrait permettre à la police d’être au bon endroit et au bon moment, en écourtant leur délai d’intervention.
Cela ne veut pas dire qu’un crime aura lieu à une heure et un lieu spécifiques, personne ne peut le prédire. Mais cela peut nous dire, par exemple, que l’on peut s’attende à une vague de vols de voitures.
explique CLEVERLY.
Des cartes codées par couleurs, dotées de couches multiples, permettent de visualiser les tendances criminelles par quartiers : diverses structures spatiales se dégagent. Ces cartes sont dynamiques. Insertion copie d’écran carte CRUSH
CRUSH allie l’analyse statistique du logiciel IBM SPSS, qui compile des casiers judiciaires en quelques secondes ainsi que les données communiquées en direct par les policiers en patrouille, à des systèmes d’information géographique (SIG). Et cela porte ses fruits : adopté par la ville de Memphis (Tennesse, USA), la ville a vu le taux de sa criminalité chuter de 30%. Los Angeles, adepte de CRUSH a enregistré une baisse de 12% des actes criminels.
Séduits par de tels résultats, le Brésil, l’Estonie, et Hong-Kong ont dépêché leurs fonctionnaires à Memphis.
- Hostspot : concentration d’un type de crime. ↩
- Environment, Routine, and Situation: Toward a Pattern Theory of Crime (From Routine Activity and Rational Choice: Advances in Criminological Theory, Volume 5, P 259-294, 1993, Ronald V. Clarke and Marcus Felson, eds. – See NCJ-159998), P L Brantingham ; P J Brantingham, 1993. ↩