Un portrait-robot est généralement établi d’après les descriptions de témoins, que l’on sait pas toujours fiables . Aujourd’hui, l’ADN peut prédire avec précision les caractéristiques physiques d’un individu. Il s’agit là de science fiction, me direz-vous ? Que nenni ! Simplement les résultats d’une recherche menée par le Professeur Manfred KAYSER.
L’ADN prédit votre apparence physique
Prédire les traits d’un individu d’après son ADN est un nouveau champ d’études forensiques émergeant. Aujourd’hui, on pratique le profilage génétique en comparant l’ADN prélevé sur une scène de crime à un suspect, ou à un profil stocké dans une base de données.
Mais comme le Professeur Manfred KAYSER, chercheur en biologie moléculaire appliquée à la criminalistique à l’Université Erasme de Rotterdam, le souligne, la personne doit appartenir à un pôle de suspect, ou avoir son profil génétique stocké.
Si ce n’est pas le cas, vous pouvez avoir le profil génétique de rêve, mais vous ne pouvez rien en faire.
Dans son étude publiée en septembre 2012 par PlosGenetics, KAYSER a identifié cinq gènes responsables de notre apparence physique faciale : le PRDM16, le PAX3, le TP63, le C5orf50, et le COL17A1. Trois de ces gènes ont été identifiés comme responsables de certaines malformations du visage : une mâchoire inférieure insuffisamment développée, des fentes labiales ou palatines. C’est en étudiant ces pathologies génétiques affectant le visage que ces scientifiques ont pu identifier des cinq gènes.
L’étude de l’association de ces cinq gènes peuvent révéler un type de physionomie probable ; on pourra en déduire l’écart entre les yeux, la proéminence du nez, ou encore la largeur du visage.
KAYSER et son équipe ont procédé également à ce que l’on appelle une étude d’association de génome entier (GWAS : Genome Wide Association Studies). Ce type d’étude vise à rechercher les infimes variations génétiques qui surviennent fréquemment chez des individus d’un type physique facial particulier.
Cette étude a été menée avec la participation de 10 000 individus, tous d’origine européenne. Leurs visages ont été étudié via des photographies, ou des IRM procurant des images en 3D. Le but de cette expertise étant de se constituer une base de repères fixes, de mesurer l’écart entre eux, puis de confronter ces données aux millions de variations génétiques.
- A : distance bizygomatique
- B : distance interpupillaire
- C : profil nasal
Rien que pour vos yeux
Déja en août dernier, KAYSER avait publié les détails d’un test permettant de prédire la couleur des yeux et des cheveux à partir de l’ADN, dans la section « Genetics« de la revue « Forensic Science International ». L’outil appelé HIrisplex consiste à une analyse à partir de marqueurs ADN soigneusement sélectionnés sous forme de dosage unique en multiplex.
Cet outil pourrait s’avérer fort utile dans le cas où l’auteur présumé est absolument inconnu des services de police, et ne figure par conséquent dans aucun fichier.
Ce test inclut
24 des meilleurs marqueurs impliqués dans la détermination de la couleur des yeux et des cheveux. Nous avons pris soin de concevoir un test réactif, qui peut faire face aux exigences d’une analyse médico-légale d’ADN , comme le peu de matériel génétique disponible
précise KAYSER
Dans cette étude, présentée à la « 6th European Academy of Forensic Science Conference », à la Hague en août 2012, les chercheurs ont utilisé HIrisplex pour prédire les phénotypes correspondants à la couleur de cheveux de trois échantillons de population européenne. La précision de l’identification est de 69.5% pour les cheveux blonds, 78.5% pour les cheveux bruns, 80% pour les roux et 87.5% pour les cheveux noirs. L’équipe a pu différencier dans 86% des cas un individu aux yeux marrons, et aux cheveux noirs d’origine européenne d’ un individu aux mêmes caractéristiques mais d’origine non européenne.
Sang pour sang de réussite… enfin presque
Cette découverte vient compléter celle de septembre 2010 qui démontrait qu’il était possible d’évaluer l’âge d’un individu à partir de quelques gouttes de sang. KAYSER et son équipe de chercheurs ont testé leur méthode d’estimation d’âge sur 190 néerlandais âgés de 6 semaines à 80 ans. Avec une erreur moyenne de 9 ans, ils ont pu classer ces individus en quatre groupes :
- de 6 semaines à 20 ans
- de 20 à 39 ans
- de 40 à 49 ans
- de 60 à 80 ans.
Cette méthode est basée sur l’aspect des lymphocytes T. Pour permettre au système immunitaire (les lymphocytes T) de reconnaitre chaque antigène, les lymphocytes T se transforment et produisent des petites molécules circulaires d’ADN. Mais avec le temps, et l’âge, les lymphocytes T présentent de moins en moins de cercles d’ADN.
Ce test s’est montré efficace et surtout peu gourmand en ADN. Mais attention, certaines maladies peuvent biaiser le résultat, comme par exemple le SIDA. Faute d’être une preuve, il restera un indicateur.
A travers toutes ces études, le rôle de l’ADN a changé : il cesse de n’être qu’un élément comparateur et devient intrinsèquement porteur d’informations utiles à la police scientifique.
Néanmoins, il faudra encore de nombreuses années de recherches pour pouvoir disposer d’un portrait robot génétique complet, mais de nombreuses équipes de chercheurs à travers le monde (Israël, Pays-Bas, Suisse, ..) y travaillent d’arrache-pied.