En 2007, une suissesse d’une vingtaine d’année a eu le plus grand mal à entrer aux Etats-Unis. La photo de son passeport correspondait parfaitement à son visage, mais les agents des douanes ne parvenaient pas à confirmer son identité. Lorsqu’ils ont scanné des mains, ils ont fait une découverte surprenante : elle n’avait pas d’empreintes digitales.
« Maladie de l’immigration retardée »
Cette femme fait partie des rares personnes au monde atteinte d’une maladie génétique appelée adermatoglyphie (ADG).Peter Itin, dermatologue à l’Hôpital Universitaire de Bâle, en Suisse, l’a nommée la « maladie de l’immigration retardée », car les victimes de cette maladie connaissent les pires difficultés lorsqu’il s’agit d’entrer dans un pays étranger et passer le contrôle d’identité.
Nos empreintes sont uniques
Une empreinte digitale vous identifie de la naissance à la mort. Elles se forment à partir de la onzième semaine de gestation ou au début du troisième mois. Les lignes adoptent leur morphologie finale chez le fœtus vers le 6ème mois. L’étude de l’origine de ces lignes papillaires fait partie de ce que l’on appelle la morphogenèse. Chaque morphogenèse est unique : les empreintes sont propres à chacun, même pour les jumeaux monozygotes.
Ainsi, chaque individu possède des marques en relief sur ses doigts, des figures dessinées par les plis et les crêtes épidermiques.
Un sérieux handicap à l’ère de la biométrie
L’adermatoglyphie est une maladie génétique extrêmement rare ; elle se caractérise par l’absence totale de dermatoglyphes, c’est à dire l’absence totale d’empreintes et de crêtes papillaires que ce soit au niveau des mains ou des pieds. Elle ne touche que quatre familles réparties dans le monde. Cette maladie n’a heureusement aucune conséquence sur le développement de la santé de l’individu. Néanmoins, souffrir d’adermatoglyphie peut vous rendre la vie difficile, à l’heure où la biométrie est omniprésente : comment obtenir des documents d’identité sans empreintes digitales, car cela reste une condition nécessaire. Et qu’en est-il de tous nos outils numériques qui deviennent digitaux ?
SMARCAD1 : le gène responsable
Une équipe de scientifiques israéliens a identifié une mutation associée à cette maladie. Cette suissesse avait neuf personnes de sa famille atteinte de la maladie.
Eli SPRECHER et son équipe, du Centre Médical Sourasky de Tel Aviv, Israël, ont collecté l’ADN de toute la famille, composée de 16 personnes, et réalisé un séquençage de l’ADN de tous ses membres. Un membre sur quatre seulement était atteint de la maladie . Il a alors comparé les génomes des membres de la famille atteints avec ceux qui avaient des empreintes digitales normales. Les chercheurs ont trouvé des différences dans dix-sept régions proches des gènes. Ils ont alors étudié les séquences biologiques pour tenter d’identifier le coupable.
Mais les scientifiques ne trouvèrent aucune piste. Tout d’abord, SPRECHER a pensé qu’ils n’avaient pas effectué l’analyse génétique correctement, ou que la mutation manquante se cachait dans une partie « défectueuse » ou non codante du génome. C’est alors qu’une étudiante en doctorat, participant à la recherche a remarqué une anomalie en consultant les bases de données en ligne des transcriptions de l’ADN des membres de la famille souffrant d’adermoglyphie : une séquence biologique très courte chevauchant une partie d’un gène appelé SMARCAD1, gène inconnu jusqu’à ce jour.
Ce gène fut alors suspecté de mutation car il n’était exprimé que dans la peau. Le gène avait subi une mutation parmi les membres de la famille adermatoglyphes, mais pas parmi les autres membres. Cette mutation particulière pourrait expliquer son mauvais fonctionnement.
La mutation ne s’est pas déroulée dans une région du gène qui détermine le code de la protéine SMARCAD1, mais plutôt près d’un site d’épissage clé qui empêche le SMARCAD1 de se créer correctement : c’est ce que précise le rapport dans The American Journal of Human Genetics .
Maintenant, la mission de SPRECHER est de découvrir le rôle exact joué par le SMARCAD1, et la façon dont il contribue à la formation des reliefs de l’empreinte digitale. Les chercheurs pensent que ce gène aide les cellules de la peau de se plier les unes sur les autres lors du développement fœtal.
Ces recherches pourraient aider les scientifiques à comprendre le mécanisme du développement de la peau en général. D’ailleurs, Eli SPRECHER déclarera au National Geographic :
Naitre sans empreinte digitale ne peut pas être simplement dû à l’activation ou à la désactivation d’un gène. Mais cette mutation est le premier maillon d’une longue chaîne de réaction qui finit par affecter le développement d’empreintes digitales dans l’utérus. Le reste des maillons de la chaîne sont encore un mystère