Technologies numériques : les nouvelles armes des faussaires
La fabrication de fausse monnaie reste une entreprise plutôt florissante. Si les monnaies sont de plus en plus sécurisées afin de prévenir toute reproduction, les techniques de falsifications évoluent également. Le temps de gravure sur plaques couplée à une presse est quelque peu révolu. 2/3 des contrefacteurs manipulent les scanners, les imprimantes et les encres de toners : c’est ce qu’on appelle le progrès !
Un artisanat lucratif
Heath J. KELLOG
Heath J. KELLOG, 36 ans, arrêté en novembre dernier par des agents fédéraux, appartient à la catégorie des « artistes graphiques » autodidactes. Loin de battre le record de ce jeune homme de 26 ans d’Atlanta qui avait fabriqué des billets de 100$ en appliquant la technique du lavage sur des billets de 5$. Ce procédé lui avait permis de fabriquer pour 1.2$ million de billets de 100$.
Néanmoins, KELLOG, alias « l’imprimeur », a fabriqué 1$ million (844.000€), principalement en billets de 50$, ce qui n’est pas commun.
Ses billets étaient de bonne facture
déclare l’agent spécial WILEY, des Services Secrets.
Les billets de 20$ et de 100$ sont les billets les plus contrefaits, les billets de 50$ restent rares sur le marché de la fausse monnaie,
L’agent spécial WILEY, des Services Secrets.
précisera WILEY.
Lors de la perquisition à son domicile, les agents trouveront une imprimante, de l’argent brûlé, et une presse offset toute neuve.
Processus durant lequel ’encre est étalée par les rouleaux d’encrage qui dépose l’encre sur la plaque offset. Sur les presses offset standards, un groupe imprime une seule couleur. Lorsqu’une feuille passe dans un groupe, elle est pressée entre le cylindre porte-blanchet et le cylindre de marge ou de contre-pression.
Ils étaient particulièrement confiants et pensaient pour encore faire mieux
rajoute l’agent spécial WILEY.
Cette petite entreprise familiale fut arrêtée en pleine ascension. Six autres personnes furent inculpées, dont le père de Heath KELLOG. Les Services Secrets furent avertis en mai 2011 par une banque aux alentours d’Atlanta, qui avait intercepté plusieurs faux billets sur lesquels manquaient les numéros de séries et présentaient quelques défauts.
Il a fallu un an d’enquête aux Services Secrets pour remonter jusqu’à KELLOG. Vous pouviez vous acheter 1000$ de faux billets pour la modique somme de 250$. Ils avaient aussi recours à des remboursements intempestifs : ils achetaient une alarme, qu’ils payaient avec de la fausse monnaie, puis la retournait sous de fallacieux prétextes contre du vrai argent.
KELLOG avait une technique très au point pour fabriquer ses billets : il passait le papier dans imprimante, le teintant en jaune, puis il imprimait le recto du billet sur une feuille, et le verso sur une autre. Ensuite, il retournait la feuille et imprimait le filigrane au dos. Enfin, il plaçait les fils de sécurité qu’il colorait au crayon avec de l’encre qui se révélait sous ultra-violet, et collait à la super glue les deux faces de papier. Il s’agissait d un procédé manuel plutôt fastidieux, tout sauf hi-tech, qu’il comptait bien abandonner au profit d’une production offset à plus grande échelle.
L’Euro : la monnaie la plus sûre du monde
Plus une monnaie circule, plus elle est falsifiée. Le billet vert est la première cible des faussaires dans le monde. Mais l’euro, avec ses 300 millions de consommateurs est dans la ligne de mire des contrefacteurs.
Peu de contrefacteurs ont encore recours à la gravure de plaques de métal. Eux aussi profitent des progrès technologiques et se mettent aux chaines graphiques numériques.
Une machine offset pesant, 4 tonnes assortie d’une chaine graphique composée de 15 ordinateurs, et de nombreuses imprimantes sophistiquées, tel est le butin saisi en juin dernier en Seine Et Marne. Cet atelier clandestin, démantelé par l’Office Central pour la Répression de la Fausse Monnaie (OCRFM), est le plus important jamais découvert en France. Cette officine a imprimé depuis 2007 plus de 350.00 coupures de 10€, 20€ , 50€ et 100€, le tout pour une valeur de 9 millions d’euros.
Il existe des machines offset à 4 couleurs. Elles coûtent environ 500 000 euros.
Ces billets étaient achetés pour 10% de leur valeur nominale, puis revendus avec marge. Pour atteindre une valeur de 30% de sa valeur faciale.
La Banque de France estime à environ 700 000 le nombre de faux billets circulant dans la zone euro sur les 14 milliards de billets en circulation. Les billets de 50€ ( soient 34.5% des coupures contrefaites) et de 20€ (soient 42% des coupures contrefaites) sont les plus souvent contrefaits dû à la facilité de leur écoulement.
Et pourtant …
Fort de ses 63 points de sécurité, l’euro reste la monnaie la plus difficile à contrefaire.
Le faux billet parfait n’existe pas. Certains signes sont très bien imités mais, en général, les faussaires ne font attention qu’à un ou deux signes, donc il faut en vérifier plusieurs. Certaines caractéristiques sont connues du grand public, d’autres ne sont pas diffusées pour garder le secret de leur fabrication,
affirme Gilles DUTEIL, responsable du Master « Lutte contre la criminalité financière et organisée », à l’université d’Aix-Marseille, et expert judiciaire auprès de la Cour d’Appel d’Aix en Provence.