Et c’est encourageant !
1% de la population mondiale est psychopathe, 15% à 20% de la population carcérale, et 80% à 90% des détenus répondent aux critères de personnalité antisociale. L’identification des différences entre le cerveau des psychopathes violents et celui des autres criminels violents non psychopathes permet d’espérer une réhabilitation possible pour ces derniers.
Tout n’est qu’une histoire de matières
Selon Nigel BLACKWOOD, chercheur anglais en neurologie à l’Institut King’s College de Londres, les déficiences neurales observées chez les psychopathes expliquent leur manque d’empathie, de morale, et de sentiment de culpabilité.
Outre un problème de connexions neurales, dû à un déficit de matière blanche, entre le cortex préfrontal ventromédian, la partie du cerveau responsable de sentiments comme l’empathie et la culpabilité, et l’amygdale, qui est impliquée dans a peur et l’anxiété, mis en évidence par de précédentes études, BLACKWOOD a découvert un problème structurel du cerveau chez les psychopathes.
- Le cortex orbitofrontal nous permet de réprimer certaines émotions, dont la recherche de gratification immédiate aux dépens d’actions à long terme en vue d’un avantage encore plus grand. Il contrôle le système limbique (4), siège d’émotions telles que l’agressivité, la peur, le plaisir.
- Le cortex préfrontal nous aide à choisir un comportement en nous permettant d’évaluer les différentes alternatives.
- Le cortex ventromédian est impliqué dans la gestion de la peur, de l’évaluation des risques et dans le processus décisionnel. Il serait une interface entre les émotions et la prise de décision.
L’étude menée par Nigel BLACKWOOD, et publiée dans les « Archives of General Psychiatry« , a démontré que les psychopathes ont moins de matière grise dans les régions du cerveau responsables de l’empathie. Pour mener à bien cette étude sur cinq ans, BLACKWOOD a sélectionné 66 hommes qui ont été soumis à une série d’IRM afin de mesurer leur matière grise dans plusieurs régions du cerveau.
- 17 d’entre eux avaient été condamnés pour des actes violents, tels que viols et meurtres, et diagnostiqués psychopathes.
- 27 d’entre eux répondaient aux critères de la personnalité antisociale, mais non psychopathes.
- 22 d’entre eux n’étaient pas des criminels, mais des hommes « normaux », en bonne santé.
Le groupe d’hommes souffrant de psychopathie montrent un net déficit de matière grise dans deux zones du cerveau en comparaison avec les deux autre groupes. Le volume de matière grise des criminels souffrant d’une personnalité antisociale était sensiblement le même que celui de l’échantillon d’hommes sains.
Les zones du cerveau concernées(cortex préfrontal et lobes temporaux) jouent un rôle important dans notre capacité à appréhender les sentiments d’autrui et à ajuster notre propre comportement.
Ce sont très précisément ce que les psychopathes sont incapables de faire. Ils ne peuvent traiter correctement la peur d’autrui, témoigner d’empathie devant la détresse de l’autre, et ressentir des émotions telles que la honte ou la culpabilité.
déclare Nigel BLACKWOOD.
Personnalité Antisociale et Psychopathie
De 2.1 à 3.4% de la population générale sont atteints d’un trouble de personnalité antisociale. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM IV : Diagnostic and Statistical Manual – Revision 4) est un outil de classification qui vise à définir le plus précisément possible les troubles mentaux. Voici en résumé les critères de la personnalité antisociale (ASPD : Anti Social Personality Disorder) :
A. Mode général de mépris et de transgression des droits d’autrui qui survient depuis l’âge de 15 ans, comme en témoignent au moins trois des manifestations suivantes :
- incapacité de se conformer aux normes sociales qui déterminent les comportements légaux, comme l’indique la répétition de comportements passibles d’arrestation
- tendance à tromper par profit ou par plaisir, indiquée par des mensonges répétés, l’utilisation de pseudonymes ou des escroqueries
- impulsivité ou incapacité à planifier à l’avance
- irritabilité ou agressivité, indiquées par la répétition de bagarres ou d’agressions
- mépris inconsidéré pour sa sécurité ou celle d’autrui
- irresponsabilité persistante, indiquée par l’incapacité d’assumer un emploi stable ou d’honorer des obligations financières
- absence de remords, indiquée par le fait d’être indifférent ou de se justifier après avoir blessé, maltraité ou volé autrui
B. Age au moins égal à 18 ans
C. Manifestations d’un trouble des conduites débutant avant l’âge de 15 ans
D. Les comportements antisociaux ne surviennent pas exclusivement pendant l’évolution d’une schizophrénie ou d’un épisode manique.
Les personnes atteintes de ce trouble sont impulsives et intolérantes à la moindre frustration. Elles sont incapables de différer l’accomplissement de leurs désirs et d’anticiper les conséquences de leurs actions.La décharge pulsionnelle s’exprime par un passage à l’acte. Leur seule et unique réponse à la frustration est l’impulsivité.
Un sujet diagnostiqué comme psychopathe présente nécessairement une personnalité antisociale mais l’inverse n’est pas systématique.
Les psychopathes sont des antisociaux
Appelée par Pinel (1801) « folie sans délire », Pritchard (1835), quant à lui, en Angleterre, parlera de « folie morale ». Outre le DSM IV, Robert HARE établira en 1991 une checklist présentant les différentes caractéristiques de la personnalité
psychopathique. Révisée en 2003, cette échelle de psychopathie (PCL-R : Psychopathy CheckList Revised) comprend 20 items. Elle est axée autour de deux types de facteurs :
- le facteur décrivant les composantes affectives, interpersonelles et narcissiques (facteur 1)
- le facteur comportemental décrivant la propension antisociale chronique (facteur 2)
Chaque item est évalué sur 2 points :
- 0 : ne s’applique pas à la personne
- 1 : s’applique à la personne dans une certaine mesure
- 2 : s’applique tout à fait à la personne
Est déclaré souffrant d’une personnalité psychopathique la personne totalisant un score de 30 points et plus. Attention, ce diagnostic doit être posé par des cliniciens avertis !
- Loquacité et charme superficiel (facteur 1)
- Sens du grandiose du Moi (facteur 1)
- Besoin de stimulation, tendance à l’ennui (facteur 2)
- Mensonge pathologique (facteur 1)
- Manipulation (facteur 1)
- Manque de remords et de culpabilité (facteur 1)
- Etroitesse émotionnelle (facteur 1)
- Manque d’empathie (facteur 2)
- Tendance au parasitisme (facteur 2)
- Mauvais contrôle comportemental (facteur 2)
- Promiscuité du comportement sexuel (facteur 2)
- Problèmes précoces de comportements (facteur 2)
- Manque de buts à long terme (facteur 2)
- Impulsivité (facteur 2)
- Irresponsabilité (facteur 2)
- Incapacité à accepter ses propres actes (facteur 1)
- Brèves et multiples relations conjugales (facteur 2)
- Délinquance juvénile (facteur 2)
- Révocation de liberté conditionnelle (facteur 2)
- Multiplicité des types de délits commis par le sujet (facteur 2)
Hervey CLECKLEY, psychiatre américain, pionner dans l’étude de la psychopathie, déclare que le psychopathe est
totalement inapte à saisir la signification profonde des pensées qu’il exprime ou des expériences qu’il traverse
et aura tendance à une
élimination ou une atténuation des composantes affectives.
Ainsi, l’étude de Nigel BLACKWOOD remet en cause la responsabilité pénale des psychopathes et ouvre la voie d’une thérapie possible pour les criminels non psychopathes.